La première fois que j’ai empoigné le micro, j’ai compris qu’il y a aurait une suite. J’avais pleinement foi en ce qu’un jour, je ne pourrais plus m’en passer. Mais entre ces deux réalités, le faussé est grand comme les rêves de liberté.
Nous étions en janvier. Dans l’équipe de préparation de TEdx Grand-Bassam, il avait été décidé que je fasse un slam lors de la conférence de presse de lancement. Le texte que je devais déclamer allait par la même occasion, servir à dévoiler le thème retenu pour cette édition. Quel honneur ! Et pourtant…
Quelques semaines avant, j’avais été approché par un membre de l’équipe qui m’avait lâché ces mots « je vois à travers tes publications sur les réseaux-sociaux que tu t’intéresses au Slam. Pourrais-tu nous faire un slam lors de la conférence de presse ». En acceptant, je savais que ce serait un une occasion en Or, mais en même temps, un gros challenge personnel. Je n’avais jamais fait de scène. C’était un risque. Il fallait le faire, alors je l’ai fait. Les délais étaient très serrés.
Le jour J, j’ai très vite commencé à sentir le trac monter en moi. Je pouvais bien sûr compter sur les nombreuses fois où seul, devant mon miroir, j’avais fait un tabac ! Ce jour-là seulement, j’étais sur le point de comprendre qu’il y a bien une différence entre connaitre son texte et le maitriser.
On m’annonce, m’empoigne le micro. Je me présente. Étrangement, le trac est tombé. Je démarre avec mon texte, plein de confiance et d’assurance. Je vole :
« Tic tac tic tac
Ne néglige jamais une horloge qui prend son élan
Ses aiguilles qui lentement se mettent en mouvement
Finissent par imposer le temps
Et les secondes chassent les minutes
Et le temps passe tel un défilé
Et les minutes s’en prennent aux heures et le temps passe sans se soucier
Et nous venons de pulvériser plusieurs secondes
Et ça tu peux le vérifier
Un jour c’est 24 H pas une de plus tu le sais [ ] »
Puis… soudainement, j’ai un blanc. Je me sens battre de l’aile. Je me vois perdre de l’altitude. Puis je me sais complétement perdu. C’est la chute libre. Le public lui sens ma gène et tente de me venir en aide. Les encouragements se font entendre. Je m’excuse. Reprends, bute, puis
retombe au même endroit. L’atmosphère devient lourde. Très lourde. J’ai envie que le sol s’ouvre sous mes pieds en guise de délivrance.
Instinctivement, je glisse ma main vers ma poche arrière et… heureusement je tombe sur mon smartphone. Je propose – où impose c’est selon – au public de continuer en lisant le texte. Il n’y voit pas d’inconvénient. Je termine le texte en lisant tout simplement, de la façon la plus simple du monde.
« Un jour c’est 24 H pas une de plus tu le sais
Un jour c’est 1440 minutes pas une de plus tu le sais
Un jour c’est 86400 secondes, pas une de plus, ça également tu le sais
Alors lève-toi et essaie
Car seul Dieu sait
Lève-toi et utilise ton temps pour graver chacune de tes actions dans la mémoire de l’éternité »
Je termine le texte, intégralement, durant un peu plus de 3 minutes, sans être en mesure de dire si je suis encore dans la salle. Physiquement j’y suis, mais mon esprit, lui est carrément ailleurs.
Après la conférence de presse, les uns et les autres tentent de décourager mais personnellement, je suis déçu. Déçu de moi. De ma prestation du jour. Finalement, l’équipe décide de me reprogrammer pour la grande conférence. Quelle audace !
Le jour de la conférence je redoute la mauvaise expérience passée, mis contre toute attente, je monte sur scène et là…. c’est le pied. Je rends mon texte le plus naturellement du monde. Quand je finis, les acclamations de la foule – pas moins de 200 personnes – me laisse comprendre que c’est fait. Oui, je venais de la faire.
Aujourd’hui je continue tout doucement de me parfaire. J’ai eu la chance de participer à l’une des scènes du « Collectif au Nom du Slam « lors du « Babi Slam » en mars 2017 (festival de slam d’Abidjan). Actuellement, je participe au championnat national de slam pour lequel je dois prendre part très prochainement aux demi-finales.
Finalement, il m’a fallu faire ce pas, la première fois. Je suis tombé, me suis un peu fait mal aux ailes, mais mon cou est resté intact. Et pour cette raison, je n’avais pas d’excuse. Je n’avais pas le droit d’abandonner. Entre temps, j’ai beaucoup travaillé avec mes amis de « l’Ecole de Poètes »D’ailleurs, le soir de ma première expérience qui a mal tourné, une phrase m’était venue à l’esprit « un faux pas est un pas qu’il faut ».
Ces quelques mots allaient devenir le début d’un texte que je compte désormais dans mon répertoire.
« Chaque faux pas est un pas qu’il faut
Chaque faux pas est un pas
Qu’il faut que tu assumes
Si tu veux affermir tes pas »
M.C Agnini