Ernest Dükü est un artiste plasticien ivoirien née en 1958 en Côte d’ivoire, à Bouaké. Il a réalisé plusieurs expositions avec la collaboration d’autres artistes talentueux. Ernest Dükü est l’un des artistes ivoiriens les plus connus à l’international. Il a présenté près de 50 expositions à travers le monde, de Paris à New York, de Londres à Dakar. C’est à Abidjan, dans son pays natal, qu’il a choisi de réaliser sa première exposition individuelle sur le continent. Une belle manière de célébrer son 60ème anniversaire. Avant son exposition nous l’avons rencontré pour vous.

TCHEYA :  Bonjour monsieur Ernest Dükü. Notre première question tourne autour des différents signes que vous utilisez. On remarque que les symboles africains sont omniprésents dans vos œuvres. On a alors envie de savoir, quel est  le symbole africain qui vous fascine le plus ?

Ernest Dükü: Alors, il n’y a pas de symbole qui me fascine le plus, parce que mon utilisation du symbole vient du fait que ce dernier permet d’avoir un niveau de texte caché. C’est-à-dire que le symbole permet une lecture double. Quand je le prends, ça me permet de dire ce qu’il y a en terme de beauté de l’image. Mais au-delà de la beauté de l’image, le symbole lui-même permet d’avoir plusieurs métaphores. C’est intéressant parce que ça me permet de dire ce que j’émets en terme de pensée. Après le spectateur, il vient avec ses propres propos.

TCHEYA : Considérant les symboles comme un point central de votre art, et le côté mystique ou sacré de la chose, quelles ont été jusqu’ici vos plus grandes difficultés et votre plus grand challenge dans la découverte ou l’apprentissage de ces symboles ?

Ernest Dükü: Challenges et difficultés dans quel sens ? Vous savez une fois qu’on utilise le symbole, on part du principe que les interprétations peuvent-être diverses. Par contre, il y a des symboles qui ont acquis une universalité. Ce qui fait que quand on les utilise, la personne qui va regarder vient avec ses propres codes. Et moi, c’est ce qui m’intéresse. Ce que je fais comme travail, c’est pour amener la personne (l’observateur) à être face à elle-même, face à ses questionnements.

Amuletissimo par Ernest Dükü
Amuletissimo par Ernest Dükü

TCHEYA :  On a aussi appris que vous êtes architecte, ce qui nous amène à vous demander si ce domaine a une incidence sur votre travail d’artiste ? Si oui comment ?

Ernest Dükü: D’abord, moi j’ai toujours considéré l’architecture comme de l’art. C’est de l’art pourquoi ? Eh bien, parce qu’elle s’adresse à l’humain. L’incidence que cela a sur mon travail, c’est peut-être le fait que quelque part j’ai procédé ainsi : les titres de mes œuvres me viennent et ensuite, je commence un travail d’élaboration conceptuel qui vient constituer l’œuvre. Nous sommes là dans une démarche architecturale. J’observe le décor architectural qu’on trouve en Afrique et un peu partout dans le monde ; ensuite je fais un lien avec les bas-reliefs égyptiens. Donc on est là dans un continuum d’approches qui me permet de structurer mon travail.

TCHEYA : Pourquoi avoir fait un diplôme d’architecte, alors que vous étiez prédisposé à l’art plastique ?

Ernest Dükü: Parce que je pense qu’il faut ouvrir son champ de vision. Personnellement, dans ma démarche j’ai toujours considéré l’art comme étant quelque chose de fondamental qui était interdisciplinaire. C’est un parcours à la fois personnel, mais qui est fondé sur l’idée d’essayer de comprendre.

TCHEYA : Comment percevez-vous l’art en Côte d’Ivoire ?

Ernest Dükü: L’art en Côte d’Ivoire, il faut dire que son histoire n’a pas encore été écrite.  Elle va s’écrire petit à petit. Oui, il y a eu un mouvement artistique comme le Vohou Vohou dont tout le monde parle. J’ai le sentiment que le Vohou Vohou a plombé les qualités de l’expression artistique en Côte d’Ivoire. Parce que j’estime qu’on focalise l’idée de la matière comme étant l’objet de la peinture et qu’on a pas beaucoup d’artistes qui ont su développer des approches philosophiques. L’effet de la matière a supplanté l’objet réel de la peinture. Mais rien n’est perdu, il faut juste qu’il y ait un travail d’historien, d’épurateur et de critique d’art.

TCHEYA : Avez-vous un conseil pour les jeunes artistes ivoiriens ?

Ernest Dükü: J’ai l’habitude de dire que le domaine de l’art n’est pas une course de 100 M, mais une course de fond et ça se prépare. Quand on veut faire de l’art, il faut avoir une notion du temps qui soit très long. Parce que c’est ce temps-là qui va permettre de construire, de structurer et de donner du sens à l’œuvre. Il faut aussi être à l’écoute du monde et de soi-même. Au regard de ce qu’on perçoit dans le monde, qu’est-ce qu’on veut lui dire ? Finalement, c’est le temps, le travail et la discipline.

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Ce jeudi 08 Mars 2018, l’artiste fera son exposition à la galerie LouiSimone Guirandou. C’est une galerie avant-gardiste et un espace moderne qui accueille les artistes avec une vision dynamique et contemporaine ; et qui propose des concepts et collaborations artistiques originaux. C’est donc sans surprise que Sitor Senghor, Commissaire de l’exposition, a fait le choix de cette galerie. Egalement, la BICICI, banque amie des arts bien connue à Abidjan pour ses actions de mécénat, accompagne cette exposition.